1940 Vérités et Légendes - Rémy Porte
Rémy Porte. 1940 : Vérités et Légendes. Perrin, 2020. 284p.
Force est de constater que 80 ans après les événements, la Bataille de France (Mai – Juin 1940) reste encore un sujet sensible dans la mémoire française. Il suffit de constater les divers publications et débats alternant entre les accusations politiques ou militaires, voire les contre-vérités. Il persiste encore dans l’opinion publique les images popularisées par certaines pantalonnades (tel le fameux : « Mais où est donc passée la septième compagnie ? ») des troupes françaises incapables de combattre ou celles des longues colonnes de réfugiés à travers les routes françaises. Il existe certes une littérature de qualité sur le sujet, mais trop souvent à destination des spécialistes et pouvant paraître obscure à un public moins averti.
L’ouvrage de Rémy Porte permet notamment de combler cette lacune en offrant un petit volume synthétique afin d’appréhender les différents débats portant sur la tragédie du Printemps 1940.
Précisions que l’auteur possède la double casquette de l’Historien et du militaire, ayant occupé les fonctions d’officier référent histoire auprès de l’Armée de Terre. Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages références dont notamment : Histoire de l’Armée française 1914 – 1918 (en collaboration avec François Cochet), une biographie référence sur Joseph Joffre ou l’excellente analyse portant sur 1914 : une année qui a fait basculer le monde.
Le livre ne vise pas à fournir une étude détaillée des combats de Mai – Juin 1940 ou une analyse du contexte conduisant au désastre, mais à une étude très synthétique d’un ensemble de thématique portant sur le contexte, le déroulement des combats voire quelques réflexions sur l’après. Ainsi seront traités 30 thèmes : « La France a-t-elle surestimé le réarmement de l’Allemagne ? » – « La France de 1940 était-elle pacifiste ? » – « La France manquait-elle d’enfants ? » – La ligne Maginot était-elle prête ? » – « Le parti communiste a-t-il fait le jeu du Reich ? » – « Les Alliés pesaient-ils militairement ? » – « La France a-t-elle abandonné ses alliés tchèques et polonais ? » – « La France manquait-elle de chars et d’avions » – « Le général Gamelin était-il coupé des réalités ? » – « Le haut commandement militaire français était-il à la hauteur ? » – « Fallait-il ouvrir un front en Scandinavie ? » – Peut-on reprocher la défaite aux Belges ? » – « Un front dans les Balkans ou le Caucase était-il concevable ? » – « Le plan Dyle-Breda était-il réaliste ? » – « Peut-on parler d’une surprise de Sedan ? » – « L’armée française disposait-elle de réserves ? » – « Des succès éphémères pouvaient-ils faire une victoire ? » – « Les Britanniques ont-ils abandonné les Français à Dunkerque ? » – « Les chars ont-ils été mal utilisés ? » – Weygand pouvait-il faire mieux que Gamelin ? » – « L’armée française a-t-elle été invaincue dans les Alpes ? » – Fallait-il déclarer Paris ville ouverte ? » – « Les soldats français se sont-ils bien battus ? » – « Un gouvernement nomade pouvait-il gouverner ? » – « La guerre pouvait-elle être poursuivie en Bretagne ou en Afrique du Nord ? » – « L’appel à Pétain était-il un complot contre la République ? » – « L’appel du 18 Juin a-t-il été entendu ? ». Chaque thème est analysé avec environ une dizaine de pages permet d’y répondre avec précisions avec tomber dans de longs développements, susceptibles d’effrayer certains lecteurs. L’auteur fait, par ailleurs, preuve d’une neutralité absolue, évitant de se laisser entraîner dans des polémiques inutiles, en fournissant un travail irréprochable d’historien. On appréciera notamment la présence d’un appareil scientifique complet.
Au final, que penser des raisons du lourd échec français en 1940. Comme le démontre l’auteur, elles sont complexes et multiples. Non, la gauche n’a pas désarmé la France (bien au contraire, les différents Gouvernements issus des élections de 1936 ont largement voté les crédits nécessaires), pas plus que certains cercles de droit n’ont utilisé Mai – Juin 1940 pour faire tomber la République. L’Armée française a combattu courageusement avec des pertes du même ordre que durant la Première Guerre mondiale (de même que les Britanniques). Malheureusement, l’Armée française souffre en 1940 d’une série de déficits remontant aux années 1920 : réduction budgétaire drastique conduisant à des manques en matériels, mais aussi humains imposant une orientation défensive lors de l’ouverture du conflit ; une doctrine militaire peu inspirée et surtout rigide ; une hiérarchie constituée de généraux compétents en temps de paix, mais manquant d’un véritable leadership immédiat et engoncés dans une logique procédurale bloquant toute adaptation ; des hésitations politiques notamment en matière étrangère (avec la perte progressive des alliances à l’Est, la gestion dilettante des négociations avec l’URSS ou encore le cas belge pourtant essentiel dans la stratégie française). On pourrait aussi analyse la société civile française, mais le thème n’est que partiellement abordé ici par l’auteur. Et probablement un peu de malchance. La France et le Royaume-Uni avaient probablement préparé une stratégie susceptible cohérente par rapport au conflit précédent visant à tenir le Front en attendant la montée en puissance de l’Industrie et des ressources de l’Empire face à une Allemagne déficitaire sur ces aspects. Mais la Campagne à l’Ouest était différente…, et la Wehrmacht a trouvé la solution.
En cette période où l’Histoire devient un champ de débats polémiques, l’ouvrage de Rémy Porte est profondément salutaire en proposant une analyse précise, synthétique et neutre, préfère l’analyse des faits. Il réussit aussi un remarquable travail de vulgarisation avec un ouvrage parfaitement accessible à un public non spécialisé qui pourra obtenir des éléments de réponses à une série d’interrogations classiques sur la Bataille de France. La bibliographie très complète autorisera, en outre, de piocher quelques titres pour appréhender davantage certains aspects.
Pour plus de détails sur le livre, consulter le site de l’auteur : Guerres et Conflits.
