20 Mai 1940
Le No.615 Squadron part, finalement, à 04h30, pour l’aérodrome de Norrent-Fontes avec treize Hawker Hurricane Mk I en état de vol (ainsi qu’un Miles Magister). La journée démarre assez tôt puisque dès 08h00, une double patrouille est organisée : la première au-dessus de Lille (six appareils), et la seconde en défense de l’aérodrome (trois avions).
Une opération plus ambitieuse débute à 11h00. En l’occurrence, une formation composée des No.504, No.607 et No.615 (RAF) Squadron est chargée d’attaquer un convoi allemand sur la route reliant Cambrai à Arras. Selon le Squadron Leader Joseph R. Kayll :
« Une demande de l’armée arrive : nous devons retarder l’avancée de troupes allemandes en direction d’Arras sur la route en provenance de Cambrai. Nous arrivons à regrouper douze appareils (trois de chaque Squadron), sous mes ordres. Nous trouvons sur place une grande quantité de véhicules allemands et sommes en mesure d’effectuer quelques dommages. Malheureusement, nous perdons trois appareils, dont le Flying Officer Bob Pumphrey (P3448 – AF-H) du 607, qui réussit à sauter en parachute et survivre comme prisonnier de guerre. Notre erreur a été d’attaquer en section de trois en ligne arrière, ce qui a permis à la Flak allemande de concentrer ses tirs ».
Effectivement, les pertes sont non-négligeable puisque, outre le Flying Officer Robert E.W. Pumphrey, le No.504 (RAF) Squadron perd les Pilot Officer Michael Jebb (P3586) et Blair E.G. White, quoique les deux pilotes sont seulement blessés et pourront être évacué de Dieppe, tandis que le No.607 (RAF) Squadron perd le Pilot Officer Richard S. Demetriadi (P2671 – AF-H), là encore sans conséquence pour le pilote. Dans le même temps, l’appareil du Squadron Leader Joseph R. Kayll est aussi endommagé à l’aile, mais il peut rentrer à Norrent-Fontes[1]. Malgré ces pertes, essentiellement matérielles, les pilotes britanniques sont en mesure de détruire sept véhicules selon une sortie de reconnaissance effectuée par le Flying Officer Lionel M. Gaunce vers 13h00.
Dans l’après-midi, six Hawker Hurricane Mk I décollent pour une patrouille du secteur Arras – Douai – Lens. Une formation de douze Heinkel He.111 du I./LG 1 est aperçu sur place, à une attitude d’environ 4 800 mètres, et un combat s’engage, vers 16h00, durant lequel les Squadron Leader Joseph R. Kayll et le Pilot Officer Petrus H. Hugo revendiquent un bombardier[2]. Selon Joseph R. Kayll :
« J’attaque l’avion de queue de la formation par le travers, mettant hors combat le mitrailleur arrière. Puis j’attaque par l’arrière en m’approchant à deux cents mètres. Le moteur gauche s’arrête et fume beaucoup. L’avion part en vrille et disparaît derrière des nuages bas »[3].
Effectivement, le Heinkel He.111 (L1+GK), de la 2./LG 1[4], percute le sol près de Lille tuant les Feldwebel Erich Hackbarth, Unteroffizier Max Bröge et Gefreiter Heinz Schönberg. Selon un rapport d’interrogateur de l’unique survivant, le Feldwebel Erich Weber, par les Britanniques :
« Nous avons décollé de Düsseldorf à 14h00 pour observer les mouvements de troupes à l’ouest de Lille. L’avion de type Heinkel 111 était armé de quatre mitrailleuses et emportait douze bombes de 50 kilos. Nous avons essuyé plusieurs tirs antiaériens, mais sommes descendus par un Morane à 4 800 mètres »[5].
Cette patrouille constitue la dernière sortie documentée du No.615 Squadron pour la Bataille de France. Les ordres d’évacuations vers l’Angleterre commencent à pleuvoir sur les différents escadrons britanniques. L’évacuation du terrain de Norrent-Fontes commence vers 18h30 lorsque neuf Hawker Hurricane Mk I du No.615 Squadron, dont le L1289 du Flying Officer Anthony Eyre, décollent avec quatre autres du No.607 (RAF) Squadron afin d’escorter un Savoia-Marchetti S.73P de la Sabena emportant l’état-major du No.60 (RAF) Wing, et une partie du personnel au sol, en direction de l’aérodrome de Kenley[6].
Savoia-Marchetti SM.73 « OO-AGL » de la SABENA. Cet appareil aurait été abandonné à Alger et transféré à l’Italie (22 septembre 1940). Source : Wikipedia – L’encyclopédie libre
Trois autres Hawker Hurricane Mk I et les quatre derniers Gloster Gladiator Mk I (dont les N2304 et N2306) empruntent le même chemin dans la soirée. De son côté, le Flight Lieutnant James G. Sanders effectue la traversée avec un Bristol Blenheim, tandis que le Pilot Officer Petrus H. Hugo rentre avec le Miles Magister depuis Merville.
« À 13h00, on a reçu des instructions pour que chacun se tienne prêt à évacuer vers l’Angleterre. À 14h30, le personnel au sol plie bagage pour Boulogne laissant derrière dix-huit aviateurs. À 18h25, un avion de transport S.M.75 prend à son bord le commandant de l’escadre n°60 et son personnel ainsi que les dix-huit aviateurs de l’escadron, vingt-et-un aviateurs de l’escadron n°615 et dix aviateurs de l’escadron n°607. L’avion prend la direction de l’Angleterre »[7].
Les Pilot Officer John E.M. Collins[8], Malcolm Ravenhill[9] (à bord du Gloster Gladiator Mk II N2308 KW-T) et Victor B.S. Verity[10] rentrent, dans la soirée, auprès du No.229 (RAF) Squadron.
[1] CULL, Brian ; LANDER, Bruce ; WEISS, Heinrich. Twelve Days in May. The Air Battle for Northern France and the Low Countires, 10 – 21 May 1940, as seen through the eyes of the fighter pilots involved. London : Grub Street, 1999, p.292 à 293 ; CORNWELL, Peter D. The Battle of France, Then and Now : Six Nations Locked in Aerial Combat, September 1939 to June 1940. Old Harlow : After the Battle, 2007. p.332 ; DIXON, Robert. 607 Squadron : A Shade of Blue. 2012. 200 p.
[2] CULL, Brian ; LANDER, Bruce ; WEISS, Heinrich. Twelve Days in May. The Air Battle for Northern France and the Low Countires, 10 – 21 May 1940, as seen through the eyes of the fighter pilots involved. London : Grub Street, 1999, p.294 ; TAGHON, Peter. La Lehrgeschwader 1 : L’Escadre au Gruffon. Tome 1. Lela Press, 2017, p.59.
[3] Combat Reports. Pilot Officer Joseph R. Kayll (20/05/40). Kew : The National Archives, AIR 50/175/14. (n°27) ; GILLET, Arnaud. La Luftwaffe à l’ouest – Les victoires de l’aviation de chasse britannique (10 mai 1940 – 23 mai 1940). Béthenville : Arnaud Gillet, 2008, p.332.
[4] Peter D. Cornwell (The Battle of France, Then and Now : Six Nations Locked in Aerial Combat, September 1939 to June 1940. Old Harlow : After the Battle, 2007, p.337) attribue la victoire au Flying Officer Duus du No.79 (RAF) Squadron à 13h45.
[5] GILLET, Arnaud. La Luftwaffe à l’ouest – Les victoires de l’aviation de chasse britannique (10 mai 1940 – 23 mai 1940). Béthenville : Arnaud Gillet, 2008, p.332.
[6] CULL, Brian ; LANDER, Bruce ; WEISS, Heinrich. Twelve Days in May. The Air Battle for Northern France and the Low Countires, 10 – 21 May 1940, as seen through the eyes of the fighter pilots involved. London : Grub Street, 1999, p.294
[7] GILLET, Arnaud. La Luftwaffe à l’ouest – Les victoires de l’aviation de chasse britannique (10 mai 1940 – 23 mai 1940). Béthenville : Arnaud Gillet, 2008, p.345.
[8] De retour auprès du No.229 (RAF) Squadron, il participe aux combats au-dessus de Dunkerque, où il disparaît en mission, aux commandes du Hawker Hurricane Mk I L1982, le 31 mai 1940.
[9] De retour auprès du No.229 (RAF) Squadron, il participe aux derniers combats au-dessus de Dunkerque, puis à la Bataille d’Angleterre. Le 1er septembre 1940, il est hospitalisé après avoir été contraint de sauter en parachute durant un combat aérien au-dessus de Biggin Hill (Hawker Hurricane Mk I P3038). De retour en opération, il disparaît le 30 septembre lorsque suite à un combat avec des Bf.109 son Hawker Hurricane Mk I P2815 percute le sol près d’Ightham (Church Road). Il est inhumé au cimetière de City Road Cemetery, Sheffield.
[10] Après une évacuation compliquée, en passant par Cherbourg, il peut embarquer à bord d’un navire et rejoint l’Angleterre le 23 mai. De retour au No.229 (RAF) Squadron, il participe aux combats au-dessus de Dunkerque, puis à la Bataille d’Angleterre. A la fin 1940, il se porte volontaire pour rejoindre la chasse de nuit. En avril 1942, il est transféré en Afrique du Nord jusqu’en juin 1943. De retour en Europe, il est chargé durant la première moitié de l’année 1944 de prendre les commandes du No.650 (RAF) Squadron afin d’assurer l’entraînement de la défense anti-aérienne britannique. Après un passage dans divers commandements et OTU, il rentre chez lui en Nouvelle-Zélande, en novembre 1945. Il décède le 2 février 1979 à Wellington.