
17 Juin 1940
Front Nord
La RAF poursuit sa campagne de bombardements aériens contre les aérodromes côtiers. Par exemple, le No.223 (RAF) Squadron envoie cinq Vickers Wellesley à 4 h 40 en direction du terrain de Gura (Érythrée), où quatre Caproni Ca.133 sont signalés endommagés.
Les équipages du Vickers Wellesley sont véritablement inventifs, comme en témoigne la démarche audacieuse du No.47 (RAF) Squadron pour défendre Erkowit. Ainsi, le K7772 décolla à 5 h 5 avec la nacelle à bombes détachée. Cependant, la patrouille est de courte durée, car trois Gloster Gladiator Mk I du K (RAF) Flight (basé à Port Soudan) interceptent rapidement cet étrange bombardier. L’attaque est rapidement stoppée lorsque le Sergeant Francis Bavin-Smith réussit à tirer une fusée d’identification. L’aile droite étant endommagée avec un début de fuite de carburant, le pilote préfère se poser après seulement dix minutes de vol.
La Regia Aeronautica subit la perte de deux avions lors de ses opérations contre Aden et la Somalie britannique : deux Savoia-Marchetti SM.81 de la 18 Squadriglia, abattus par la défense antiaérienne britannique.
Le Generale Pietro Pinna Parpaglia exprime, dans un rapport adressé à Rome le même jour, sa crainte après les premiers jours de combat. Il écrit :
« Les raids ennemis ont causé des dommages considérables : destruction de matériel aéronautique et de carburant, ainsi que la perte de quinze avions. Heureusement, nos réserves nous permettent de combler ces pertes, mais, si les attaques se poursuivent au même rythme, notre flotte aérienne sera incapable de fonctionner normalement d’ici à un mois. Si aucune aide n’est envoyée d’Italie, je donnerai encore quatre mois de vie à la Regia Aeronautica comme force combattante. »
Front Sud
Les premiers affrontements au sol commencent lorsque les Italiens attaquent les postes-frontières d’El Wak et de Moyale au Kenya. Pendant une période de quatre heures, de 11 h 55 à 15 h 5, le Flying Officer Ronald J.D. Christie (Audax K7546), du No.237 (Rhodesia) Squadron, mène quelques attaques.
Cette journée est aussi marquée par la mésaventure du Major Robert H. Preller et de son équipage. En effet, il apprend que le No. 11 (SAAF) Squadron doit rentrer en Afrique du Sud pour y être transformé sur Fairey Battle. Il reçoit alors l’ordre de mener une dernière mission de reconnaissance sur le port de Kismaayo.
Fairey Battle du No.11 (SAAF) Squadron à Archers Post. Collection : SAAF Museum, via Tinus le Roux.
Il décolle avec l’unique Fairey Battle Mk I disponible, c’est-à-dire le numéro 901, avec les Air Corporal Brian Ackerman et Erik H. Pettersen. L’appareil est toutefois touché par la DCA de deux navires au-dessus de l’objectif et le Major Robert H. Preller décide de rentrer lorsqu’il tombe sur l’aérodrome d’Afmadow. Il ne peut résister à la tentation et effectue deux passes lorsque son radiateur est endommagé par des tirs provenant du sol. Finalement, le pilote est forcé d’effectuer un atterrissage d’urgence en territoire somalien. Les trois membres d’équipage, qui ne sont que légèrement blessés, récupèrent la mitrailleuse Lewis et mettent le feu au Fairey Battle. Après sept jours de marche épuisante, ils trouvent enfin de l’eau.
Selon le Major Robert H. Preller :
« Nous avions perdu tout sens. Moi et Ackerman en sommes même arrivés à ouvrir le compas pour en boire le liquide. Comme l’alcool contenu n’était plus liquide, nous l’avons mélangé avec notre urine, mais cela ne faisait que créer encore plus de tourments. Finalement, vu l’état d’épuisement d’Ackerman j’ai décidé de laisser mes membres d’équipage près d’un point d’eau, et de continuer seul vers la frontière à la recherche de secours. Heureusement, j’ai fini par rencontrer deux Somaliens, qui m’ont conduit vers le poste le plus proche des King’s African Riffles. »
Le 1er juillet, le Pilot Officier Alexander T.R. Hutchinson, du No.237 (Rhodesia) Squadron, effectue une patrouille dans le secteur Garissa — Liboi (Kenya) lorsqu’il aperçoit plusieurs chameaux. Passant au-dessus, il remarque un Européen habillé en kaki lui faisant des signes. Rapidement, un détachement est envoyé sur place, où il trouve le Major Robert H. Preller. Il indique avoir laissé deux membres d’équipage près d’un point d’eau qu’il pointe grossièrement sur une carte. Finalement, ces deux derniers seront secourus le 4 juillet. Le Major Robert H. Preller sera récompensé de la D.F.C. en date du 9 octobre 1940.

Djibouti
Le cas de Djibouti est loin d’être insignifiant, malgré la taille du territoire par rapport à l’ensemble de l’Afrique orientale pour deux raisons essentielles qu’il convient de préciser pour mieux comprendre les opérations aériennes qui s’y dérouleront durant la seconde quinzaine de juin 1940.
Tout d’abord, il convient de rappeler la revendication italienne sur Djibouti. Celle-ci est notamment mise en lumière dans un discours du comte Gian Galeazzo Ciano, ministre des Affaires étrangères italien au Parlement :
« L’entrée en vigueur du Pacte de Pâques a représenté une contribution effective et concrète à la consolidation de la Paix. Cette consolidation est et restera le haut objectif de notre politique et nous le poursuivrons avec une ténacité et un réalisme uni à la circonspection qui sont indispensables, lorsqu’on entend protéger avec une fermeté inflexible les intérêts et les aspirations naturelles du peuple italien (à ce moment, dans plusieurs secteurs de la Chambre, s’élèvent des cris de : Tunis, Djibouti, Corse ! Coup de sonnette et rappels au calme du Président. Mais la manifestation continue). »
En parallèle, une véritable campagne de presse se déclenche, à partir de 1938, sur la question de Djibouti et des compensations coloniales nécessaires. Il est fait mention du territoire comme d’une :
« Absurdité et d’une insulte à notre dignité impériale. (…) Djibouti [doit] devenir un port italien en terre italienne. (…) épine (…) furoncle. »
Une proposition est même faite (indirectement) au Gouvernement français afin de négocier avec les Britanniques la cession de la péninsule de Cheikh-Saïd en échange de Djibouti.
S’ajoutent aussi des problèmes concrets sur la délimitation des frontières entre l’Érythrée, l’Éthiopie (dont les Italiens récupèrent les revendications) et Djibouti. Ainsi, dès 1936, des troupes italiennes n’hésitent pas à occuper physiquement certains avant-postes, ainsi qu’à mener une politique de propagande auprès des tribus Afar. C’est le cas les 15 et 16 juin 1937 lorsqu’un peloton méhariste italien pénètre dans la plaine du Hanlé afin de placer au sol des inscriptions en pierres peintes en blanc : ITALIA. Un poste français est évacué, tandis que les Italiens s’y installent. Un rapport du 12 décembre 1938 indique que les Italiens occupent désormais un territoire du deux mille sept cents kilomètres carré dans la plaine du Hanlé et de deux cents kilomètres carrés autour de Douméra. Ainsi, un télégramme du Ministère des Affaires étrangères, en provenance de l’Ambassade de France en Italie, en date du 1er mars 1939 explique que :
« Mussolini aurait, il y’a un mois l’ordre de créer un incident de frontière en CFS pour provoquer des négociations et non un conflit armé. »
Cette revendication vise à plusieurs aspects, notamment économique grâce à son excellent port et à son chemin de fer relié à Addis-Abeba, lesquelles apparaissent comme nécessaire pour faciliter l’installation des Italiens et les échanges avec la métropole ; mais aussi politique en éliminant un centre supposé d’intrigues éthiopiennes et de contrebande.
À cette revendication italienne, s’ajoute un aspect strictement militaire puisque Djibouti apparaît comme une plaque tournante essentielle du dispositif franco-britannique contre l’Afrique orientale italienne. Ainsi, le plan vise à faire porter l’effort principal depuis Djibouti qui possède les forces terrestres les plus nombreuses de la région, tandis que la RAF (basé à Aden) ainsi que la Royal Navy devront intervenir en appui. Les troupes alliées seraient alors en mesure de se concentrer en direction des villes éthiopiennes où sont stationnées les troupes italiennes.
Preuve de cette priorité, il est prévu qu’en cas d’offensive italienne préalable, les troupes britanniques devront abandonner la Somalie pour se replier vers Djibouti, tandis que le Général Paul Legentilhomme est chargé d’assurer le commandement des troupes françaises et britanniques dans les Somalies. Selon un rapport conjoint du 11 janvier 1940 :
« (…) malgré la grande supériorité numérique des Italiens, Djibouti est pour eux maintenant imprenable et que de cette base, une fois arrivés les renforts prévus en cas d’hostilités, les opérations offensives pourront être lancées vers les plateaux éthiopiens. »
Toutefois, on ne peut nier que les forces aériennes françaises sur place sont particulièrement déficientes. On trouve seulement une escadrille de la Côte française des Somalis, dont l’effectif famélique est composé de seulement quatorze Potez 25 et 29 obsolètes et quatre Potez 631 sous les ordres du Capitaine Louis Bilbaut. On ne dispose, malheureusement, pas d’informations sur l’activité de l’Armée de l’Air durant cette période, même si la documentation italienne laisse penser à quelques sorties d’appareil français aux abords des frontières.
La situation du côté de Djibouti reste relativement calme, malgré l’entrée en guerre des Italiens. Dès le 11 juin, à 4 h, les troupes italiennes avancent dans l’arrière-pays, mais sont rapidement stoppées dans les tirs en provenance des postes frontaliers français. Les escarmouches se poursuivent jusqu’au 15 juin avec une série de tentatives d’infiltrations et contre-attaques sans réelles conséquences sur le plan humain. Le 16 juin, des Potez 25 sont signalés comme bombardant le poste de Daouenlé, selon la documentation italienne.
On note ainsi au moins deux reconnaissances italiennes, la première par un IMAM Ro.37bis de la 110 Squadriglia au-dessus du port de Djibouti, et la seconde par un Savoia-Marchetti SM.81 de la 15 Squadriglia sur l’arrière-pays.
Les évènements évoluent cependant brusquement, le 17 juin lorsque l’effondrement français se confirme par la demande d’armistice. Or, les Italiens ont déjà rédigé depuis plusieurs jours un mémorandum contenant les revendications notamment celle de Djibouti qui doit être rattaché immédiatement à l’AOI. Afin d’appuyer ce point, il apparaît donc essentiel de lancer rapidement une offensive terrestre et aérienne afin d’occuper le territoire, ou tout au moins de bloquer pour ralliement au Royaume-Uni.
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