22 Juin 1940
Neuf Hawker Hurricane décollent de Kenley pour rejoindre Hawkinge à 05h45. Ils repartent, à 07h00 pour une reconnaissance offensive du secteur Abbeville – Poix – Rouen – Dieppe.[1]
La formation semble se séparer durant la mission puisque l’ORB indique que seulement cinq pilotes rencontrent, près de Rouan, une formation de He.111 de la III./KG 1 escortée par des Bf.110 de la 7./ZG 26 vers 07h45. Les pilotes britanniques se séparent en deux puisque le Squadron Leader Joseph R. Kayll revendique deux He.111 (une revendication non concluante et un probable), tandis que le Flying Officer Peter Collard revendique aussi une victoire non concluante sur un des bombardiers. Selon Peter D. Cornwell, l’un des He.111 effectue un atterrissage forcé à l’ouest de Rouen.[2]
Dans le même temps, les trois autres pilotes affrontent l’escorte. Le Flight Lieutnant James G. Sanders revendique deux Bf.110 (une concluante et une autre non concluante). Il en est de même pour le Flying Officer Anthony Eyre avec une autre revendication concluante contre l’un des chasseurs. La 7./ZG 26 ne semble, cependant, pas subir de perte.
Malheureusement le bilan de l’affrontement est aussi lourd pour le No.615 Squadron puisque le Pilot Officer John R. Lloyd est abattu et tué durant l’affrontement. Son Hawker Hurricane Mk I P2764 s’écrase, vers 08h15, près de La Mailleraye-sur-Seine. Il est probablement victime du Leutnant Kuno-Adalbert Konopka, de la 7./ZG 26. Il avait 30 ans. Il sera inhumé au cimetière communal de la Mailleraye-sur-Seine, où il repose toujours aujourd’hui.
Selon le témoignage du Lieutenant-Colonel Arthur L.Taffs (5th Battalion, Royal Berkshire Regiment) :
« Il semble que Lloyd était aux commandes d’un Hawker Hurricane ou Spitfire au-dessus de La Mailleraye-sur-Seine, en cette journée du 22 juin 1940 durant un affrontement entre nos appareils et huit ou neuf chasseurs allemands. Il a combattu avec héroïsme malgré l’infériorité numérique et abattu deux adversaires, peut-être même trois. Mais ils étaient trop nombreux pour lui, pauvre garçon, et il a fini par être touché. Son appareil s’est écrasé, malgré une tentative d’atterrissage forcé, devant le village après avoir heurté un arbre. Le pauvre Lloyd était déjà mort lorsque les villageois ont accouru pour le sauver. Il avait plusieurs traces de blessures au niveau du cou, il était probablement déjà mort avant l’impact. Je tiens à préciser que les habitants de ce pauvre village français ont fait preuve d’une attitude exemplaire vis-à-vis de ce pauvre aviateur britannique tombé durant ces journées noires de 1940, malgré la proximité des Allemands. Ils l’ont enveloppé dans son parachute avant de le placer dans un cercueil en chêne. Un service funéraire a eu lieu dans la petite église locale avant qu’il soit inhumé. Un morceau d’aile en provenance de son appareil a été placé devant la tombe, laquelle a été régulièrement fleurie. Tous ses papiers et possesions ont été cachés et conservés, malgré les efforts des Allemands pour les retrouver, afin de nous être confiés. Ces quelques lignes doivent être mises en évidence comme un splendide témoignage de la loyauté de nos alliés malgré les terribles circonstances du moment. »[3]
Selon le rapport de la Brigade locale de Gendarmerie, l’appareil serait tombé dans le hameau de Le Wuy à 08h15, après un combat au-dessus de la forêt de Brotonne.[4]
De son côté, le Flight Lieutnant James G. Sanders est contraint à un atterrissage forcé, à la suite d’une panne de carburant, sur l’île de Wight. Son appareil, le Hawker Hurricane Mk I P3487 n’est, toutefois, pas endommagé.
Selon le rapport du Squadron Leader Joseph R. Kayll :
« Au-dessus de Rouen, à environ 2 700 m, j’aperçois des Bf.110 volants depuis l’est à une altitude d’environ 1 800 mètres. Cinq de nos appareils attaquent dont deux pour les He.111. J’attaque un He.111 puis un second sur lequel j’ouvre le feu pendant cinq seconds. Son moteur gauche semble avoir des difficultés à fonctionner, tandis qu’une fine fumée s’en échappe. »[5]
Le Flying Officer Peter Collard apporte quelques précisions :
« Au-dessus de Rouen, nous apercevons huit He.111 et quatre Bf.110 approchant par en dessous. J’attaque un He.111. J’observe une fumée s’échappant de la machine, mais je ne le vois pas s’écraser. »[6]
Concernant l’attaque des Bf 110, le Flying Officer Anthony Eyre fait le rapport suivant :
« Durant une reconnaissance avec quatre autres appareils, j’observe une formation de He.111. Alors que je me prépare à attaquer, j’aperçois trois Bf.110 opérants probablement en escorte des bombardiers. J’attaque l’un des trois et détruis son moteur droit. Il disparaît en perdant de l’altitude. J’essaye de faire de même avec les deux autres, mais ils effectuent plusieurs virages m’empêchant de viser. Je ne peux pas observer davantage et je grimpe rapidement avec le peu de munitions qu’il me reste pour continuer ma reconnaissance tout seul avant de retrouver le Squadron Leader au-dessus de Dieppe. »[7]
Curieusement, le Pilot Officer Keith T. Lofts revendique une victoire non concluante sur un Junkers Ju.52.
Selon Brian Cull :
« Selon un rapport en provenance de Zurich, le général Fritz Löb, commandant du Luftgau Belgien-Nordfrankreich, est abattu et tué par un chasseur britannique durant un vol de reconnaissance. » [8]
Selon une autre source, l’appareil transportant notamment le General-Major Fritz Löb aurait été victime d’une collision fatale sur l’aérodrome de Bruxelles-Evere. Dans le même temps, le KTB de la 9./JG 54 indique sur le Junkers Ju.52 transportant un général aurait été victime d’une collision aérienne avec un Do.17, quoique l’on ne trouve aucune correspondance pour la date.[9]
Le rapport de combat de Keith T. Lofts[10], outre d’être difficilement lisible, renfo0rce encore le mystère sur cette revendication. En effet, il indique que le combat se déroule vers 08h30 dans les environs de Forges-les-Eaux, ce qui correspond plus ou moins aux lieux où se déroule l’autre affrontement. Il est, en outre, fait mention d’un « transport de troupes » identifié comme un Ju.52 volant au ras du sol (environ 600 mètres). L’affrontement (en plongeant depuis le soleil) est très court puisque le pilote abandonne son attaque, sans en observer le résultat, en raison de l’arrivée d’au moins trois Bf 110. On ne dispose pas d’informations supplémentaires sur cet événement.
Les huit appareils restants rentrent se poser entre 08h47 et 08h55.
Pilotes et Appareils engagés : Squadron Leader Joseph R. Kayll (P2871) ; Flying Officer Peter Collard (P2768) ; Flight Lieutenant Lionel M. Gaunce (P2966) ; Pilot Officer Petrus H. Hugo (P2963) ; Pilot Officer Cecil R. Montgomery (P3380) ; Flight Lieutenant James G. Sanders (P3487) ; Pilot Officer Keith T. Lofts (P2578) ; Pilot Officer John R. Lloyd (P2764) ; Flying Officer Anthony Eyre (P2801).
Pertes : Pilot Officer John R. Lloyd (Hawker Hurricane Mk I P2764). Tué en combat aérien avec des Bf 110, vers 08h10, dans les environs de Mailleraye-sur-Seine. Probablement victime du Leutnant Kuno-Adalbert Konopka, de la 7./ZG 26.
Revendications : Squadron Leader Joseph R. Kayll : deux He.111 (une revendication non concluante et un probable) vers 08h45 ; Flying Officer Peter Collard : un He.111 (revendication non concluante) vers 08h45 ; Flight Lieutenant James G. Sanders : deux Bf.110 (une revendication concluante et une autre non concluante) ; Flying Officer Anthony Eyre : un Bf 110 (revendication concluante) vers 08h40 ; Pilot Officer Keith T. Lofts : un Ju.52 (revendication non concluante).
[1] No.11 (Fighter) Group ORB. Kew : The National Archives, AIR 25/193.
[2] CORNWELL, Peter D. The Battle of France, Then and Now : Six Nations Locked in Aerial Combat, September 1939 to June 1940. Old Harlow : After the Battle, 2007, p.497.
[3] Casualty Record : Pilot Officer J R Lloyd. The National Archives, Kew : AIR 81/2282.
[4] Casualty Record : Pilot Officer J R Lloyd. The National Archives, Kew : AIR 81/2282.
[5] Combat Reports. Squadron Leader Joseph R. Kayll (22/06/40). Kew : The National Archives, AIR 50/175/14.
[6] Combat Reports. Flying Officer Peter Collard (22/06/40). Kew : The National Archives, AIR 50/175/2.
[7] Combat Reports. Flying Officer Anthony Eyre (22/06/40). Kew : The National Archives, AIR 50/175/6. On ne trouve, malheureusement, pas de rapport pour le Flight Lieutenant James G. Sanders.
[8] CULL, Brian. First of The Few : 5 June – 9 July 1940. Fonthill, 2012 ; Flight Magazine, 4 July 4, 1940, p.5 et 11 : https://www.flightglobal.com/pdfarchive/view/1940/1940%20-%201887.html?search=Fritz%20L%C3%B6b ;
[9] http://forum.12oclockhigh.net/archive/index.php?t-31810.html
[10] Combat Reports. Pilot Officer Keith T. Lofts (22/06/40). Kew : The National Archives, AIR 50/175/17.